17 août 2024

Un détour par la cantina

La chambre froide des trésors

Votre grand-maman Tremblay avait un caveau bourré de légumes racines et une chambre froide remplie de betteraves marinées, de ketchup maison et de confiture de framboises? Notre nonna Faita avait la cantina pleine à craquer de passata de tomate, de pesto et d’aubergines marinées, sans compter les dames-jeannes de vin maison au sol et les salami au plafond!

Ce n’est pas une coïncidence si les cultures italiennes et québécoises se mêlent aussi joyeusement depuis aussi longtemps. Au-delà des atomes crochus (et d’un amour partagé pour les grands-mères qui en mènent large!), force est d’admettre que plusieurs traditions et valeurs fondamentales unissent ces deux bassins culinaires conviviaux. Pleins feux sur le symbole bien garni de pratiques aussi astucieuses que délicieuses : on vous donne les clés de la cantina!

Des pots Mason pleins de conserves maison: poivrons rôtis marinés, aubergines marinées, pesto, jardinière, coulis de tomates.
Des pots Mason pleins de conserves maison: poivrons rôtis marinés, aubergines marinées, pesto, jardinière, coulis de tomates.

 

« Descends donc à la cantina me chercher… »

Pas mal tous les enfants qui ont côtoyé de près ou de loin une famille italienne ont déjà été sommés d’aller chercher quelque chose à la cantina. L’escapade au sous-sol — souvent sombre, bric-à-brac et un peu poussiéreux — avait des airs d’aventures. Il fallait enjamber ceci et déplacer cela pour ramener ce qui nous avait été demandé : comme dans une caverne d’Ali Baba! Depuis temps immémoriaux, les maisons traditionnelles italiennes réservent une partie du sous-sol à la conservation des aliments. C’était nécessaire avant l’électricité et toutes les autres commodités, mais c’était aussi un excellent moyen de ne rien perdre de l’abondance des produits d’été. La cantina est donc devenu un prérequis incontournable pour plusieurs familles italiennes immigrantes lorsque leur situation économique permettait d’enfin accéder à la propriété. On y voyait un moyen d’assurer un trait d’union entre le vieux pays et la terre d’accueil, et une façon de couper un peu dans les factures en préparant et en entreposant soi-même les essentiels de sa tablée italienne.

Des pots Mason pleins de conserves maison vus d'en haut: poivrons rôtis marinés, aubergines marinées, pestos, jardinière, confiture de figues au rum.
Des pots Mason pleins de conserves maison vus d'en haut: poivrons rôtis marinés, aubergines marinées, pestos, jardinière, confiture de figues au rum.

 

 

 

Il faut aussi dire que comme beaucoup d’autres pays, l’Italie a vécu son lot de guerres et de précarité. Se bâtir soigneusement un garde-manger quatre saisons, c’est une pratique fondamentale pour contrer l’insécurité alimentaire. Et savoir qu’il y a de quoi remplir les assiettes de tout son monde juste là, en bas, c’est un sentiment qui plait aux petits comme aux grands! Les nouvelles générations vivent moins intensément la peur du manque qui a marqué leurs aînés, mais l’esprit d’autonomie et de communauté demeure. On remarque d’ailleurs un retour aux notions d’autosuffisance et de traçabilité du côté des plus jeunes. Et bien la cantina c’est tout ça, et bien plus encore!

Ces aubergines marinées font partie intégrante des plateaux d’antipasti et des sandwichs servis à notre table, et on se fait un devoir (et un plaisir!) de les préparer chaque année sans jamais déroger à la tradition.
Ces aubergines marinées font partie intégrante des plateaux d’antipasti et des sandwichs servis à notre table, et on se fait un devoir (et un plaisir!) de les préparer chaque année sans jamais déroger à la tradition.

 

 

Cantina écolo écono

Pas de doutes, les questions écologiques et économiques sont d’actualité. Pour toutes sortes de raisons, on cherche de plus en plus à éviter les produits ultra transformés et les fruits et légumes qui font des milliers de kilomètres pour se rendre jusqu’à nous. C’est dans l’air du temps en ce moment, mais pour plusieurs familles d’Italie et d’ici, on ne s’est jamais vraiment lassé des rangées de vivres bien garnies et organisées qui trônent fièrement au sous-sol. Manger local et de saison à l’année dans notre beau Québec enneigé presque six mois par année, ça passe presque inévitablement par l’art de la transformation et de la conservation des aliments. Bref, ça passe par l’esprit de la cantina! Qu’on s’en inspire un peu (quelques marinades simples en fin d’été avec un verre de rosé à la main) ou beaucoup (tout un éventail de cannages, confitures, vin ou bière maison et peut-être même quelques saucissons!), la cantina mérite d’être mise en lumière.

Stefano Faita et Michele Forgione cueillent des tomates dans un champ.
Stefano Faita et Michele Forgione cueillent des tomates dans un champ.

 

 

Charmantes corvées

La cantina est intimement liée au potager, et par le fait même aux activités de préparation et de transformation des aliments. Historiquement, les grandes tâches agricoles saisonnières qui requéraient tout plein de paires de bras étaient accompagnées de moments gourmands et festifs. Les Québécois connaissent bien le principe, avec les sucres, les épluchettes de blé d’Inde et les conserves. En Italie comme au Québec, ces tâches que l’on appelle affectueusement des corvées continuent d’occuper une place toute spéciale. C’est certain qu’à moins d’être sur une ferme, les activités sont exécutées à pas mal plus petite échelle. Mais le principe reste le même : on prend une journée en gang pour préparer et conserver quelque chose de bon (et de saison) afin de pouvoir en profiter à l’année. Par le fait même, on s’offre aussi de précieux moments de connexion qui nous poussent à être reconnaissants.

Stefano et Elena Faita qui préparent du coulis de tomates maison.
Stefano et Elena Faita qui préparent du coulis de tomates maison.

 

 

Malgré leur nom, les corvées sont d’indéniables moments de joie collective : des occasions de plus en plus rares de travailler notre muscle communautaire en se retroussant les manches en famille et entre amis. En préparant ensemble ce qui garnira les tablettes de la cantina ou du garde-manger, on ne se partage pas seulement toute la bonté des produits qui ont illuminé les mois chauds de l’année — on en profite aussi pour se partager des trucs et des histoires. « J’ai mis un peu plus d’ail dans la giardiniera cette année, c’est encore meilleur. » « Te souviens-tu de la grosse talle de bleuets qu’on a trouvée au chalet? Ça fait de la belle confiture! » C’est sûr que c’est de la job comme on dit. Mais ça donne aussi beaucoup de sens à nos assiettes et à nos vies. Alors, sortez chaudrons, pots Mason, autoclaves et tutti quanti : la cantina n’attend qu’à être garnie!

 

 

Besoin d’inspiration pour garnir les étagères de votre cantina?

Voici 10 recettes qui vous feront profiter pleinement de la belle saison.